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La traduction de la poésie 

Di Yves Bonnefoy 

 

In: Semicerchio LV (2016/02) “30 anni", pp. 172-192.

 

Mesdames, messieurs, à travers les années je me suis attaché à diverses reprises au problème de la traduction de la poésie, mais jusqu’à présent je lai abordé avec en esprit les poèmes à traduire, et le souci des moyens quil faut employer à cette tâche: ce qui ne sera pas mon point de vue daujourdhui. Car cette fois je voudrais poser devant vous, traducteurs que vous êtes, une tout autre question: celle de la nature et des effets de cet acte – traduire, traduire la poésie – chez ceux qui se vouent à cette entreprise et l’éprouvent même parfois comme une vraie obsession. 

Cest là, en effet, un des traits marquants de notre moment historique. Dès que lon parle, aujourdhui, de la traduction de la poésie, les discussions saniment, voire s’échauffent, dans des livres ou des colloques où les philosophes simpliquent autant que les praticiens. Pensez à Paul Ricœur, à Georges Steiner écrivant son After Babel, à Antoine Berman consacrant toute son existence qui fut trop brève à ces ouvrages si pénétrants, L’épreuve de l’étranger, Lauberge du lointain, pensez encore aux réflexions qui nen finissent plus de reprendre sur la traduction selon Hölderlin, sur les spéculations de Walter Benjamin dans «La tâche du traducteur», sur lapproche par Klossowski du texte de LÉnéide. Est-ce là seulement le besoin de résoudre un problème assurément très complexe, une curiosité du seul intellect? Pour ma part, je perçois plutôt une espérance sous ces débats. Une espérance inconsciente de soi, ou mal formulée, et quil importe donc de comprendre. 

II
Mais, avant tout autre chose, cette remarque: pour aborder comme il le convient le problème de la traduction des poèmes, ou plutôt, de la poésie, il faut sattacher sans attendre à la question de la signification, qui demande une étude plus attentive que celle que lon en fait dordinaire. 

Il y a beaucoup dimpensé dans la réflexion sur la signification, mais tout particulièrement, en effet, sur sa place et son rôle dans les poèmes. On semble prêt à croire que cette place et ce rôle sont les mêmes que dans les autres emplois de la parole, et cest dailleurs bien compréhensible. Il y a tant de significations qui ont, de toute évidence, une valeur comme telles pour les poètes, au plus intime de leurs poèmes. Ne faut-il donc pas sy arrêter, en leur accordant la même importance que dans un contexte de prose? Ce ne semble guère douteux, et pour montrer que je consens à ce point de vue, au moins dans une certaine mesure, je vais faire appel à deux exemples, deux «incipits» qui tout de suite demandent dentrer dans l’œuvre par la voie de la signification. 

Mon premier exemple, Sailing to Byzantium, de Yeats. Les premiers mots de ce grand poème sont «That is no country for old men». Du «meaning», ceci, de la signification sil en est, et même un «statement» qui va introduire, on le pressent, à bien dautres affirmations et décisions de pensée dans ce qui suivra. Or, dès ces premiers mots, que de suggestions comme stratifiées, matière à des interprétations entre lesquelles lintellect se doit de choisir, ou tout au moins de mettre de lordre! Ce «that», qui est «no country for old men» , cet ici qui nest pas un pays pour les hommes vieux, questce donc? La vie comme telle, qui ne tolère pas la vieillesse? La civilisation occidentale qui ne sait plus, contrairement à de plus anciennes, faire place aux hommes qui ont vieilli, sollicitant leur éventuelle sagesse? Ou même: ce monde qui ne connaît plus que «the young» «in one anothers arms», ne seraitce pas la nouvelle Irlande, toute à sa révolution, à son rêve de rajeunissement, alors que Yeats, pour sa part, a commencé de vieillir et va renoncer à Maud Gonne? Ces quelques mots, ce premier vers du poème, cest bien une question, faite pour inciter à une réflexion assurément conceptuelle, celle qui décidera, pour finir, de ce quest au juste Byzance pour le poète: Byzance, cette autre rive qui offre peut-être un bien quon ne trouve pas au pays des jeunes. Cest beaucoup de laspiration spirituelle de lOccident, beaucoup de son imaginaire métaphysique, qui se découvre ainsi, rétrospectivement, prospectivement, la préoccupation de Yeats écrivant Sailing to Byzantium, et voici bien, trouvée au hasard, la preuve quil y a de la signification dans les poèmes et que le traducteur de ceux-ci ne pourra que chercher à la pénétrer, pour restituer dans son propre texte une pensée dont limportance était bien possiblement très grande pour le poète. Et ainsi peut-il sembler évident que ce transfert est indispensable, quil est même lessentiel de lacte de traduction, ce que George Steiner dit à sa façon dans After Babel au moyen dune métaphore dont la véhémence est certainement méditable: il sagira dun rapt, dit-il, la signification est la belle captive que lon emportera dans son camp, quitte à la respecter, à lui rendre tous les honneurs. 

Et cet autre exemple, maintenant, cet autre début de poème, dautant plus significatif quil peut paraître au premier abord tout autre chose quune pensée articulée, simplement le tableau dune campagne nocturne. Au seuil de la «Sera del dì di festa» Leopardi écrit: 

Dolce e chiara è la notte e senza vento, 

un vers que jai traduit, avec les suivants, par 

Douce et claire est la nuit et sans un souffle 

Et paisible au-dessus des toits, sur les jardins 

Sest arrêtée la lune, qui désigne,

Sereines, les montagnes... 

inversion, cette «serena ogni montagna» qui me paraît accentuer la stabilité, limmobilité paisiblement respirante de la ligne de lhorizon. Ici, dans ce monde du seul regard, pas de concepts, dirait-on, porteurs didées, rien que des mots ne désignant que des choses. Et pourtant une pensée est là, implicite, et il est essentiel den prendre conscience. En ce moment dattention soutenue au monde visible, cest la beauté de celui-ci qui est apparue, et avec elle, presque dite par ces mots, «dolce, «queta», «serena», cest comme si une promesse de bonheur ou au moins de paix montait de la terre et même tombait du ciel, par la grâce de cette lune on dirait désireuse de faire halte dans ce pays. 

Or, tout de suite après dans le grand poème est poussé un cri de douleur, la nature est accusée d’être la tombe de lespérance, sa beauté nest plus que l’énigme à laquelle lesprit se heurte avec une immense détresse. Conclusion? ces mots, «dolce», «chiara», «queta», «serena» ne sont plus maintenant de simples touches dans le travail dun peintre de paysage, mais des notions elles-mêmes énigmatiques, au vu desquelles lesprit se doit dexaminer ses limites. Et la signification de chacun de ces adjectifs, qui nont certes pas été choisis au hasard, doit être scrutée, dentrée de jeu. La signification, qui semblait absente de ces vers, y est en fait très active, et comme déjà une réflexion: celle dun jeune être souffrant qui se pose sur son existence et le fait même de vivre les questions les plus angoissées. 

Il y a donc de la signification dans les poèmes, et même de façon plus complexe que dans bien des textes «de prose»; des raisonnements du désir ou de l’émotion qui valent bien, en logique et ampleur de vue, ceux de la pensée analytique des sciences humaines ou naturelles. Et il faut évidemment traduire ces idées, ces raisonnements: une des nombreuses façons d’être un mauvais traducteur étant de croire que les poèmes ne sont que des montages de mots dont on peut se contenter de calquer la figure superficielle parce quils nauraient rien de sérieux à dire. Je connais beaucoup de ces traductions de simple apparence, qui discréditent la poésie. 

Mais constater cette évidence nest rien, car ce nest pas encore avoir décidé de lemplacement de la signifiance dans lopération poétique ni pris conscience de sa fonction, qui est peut-être tout autre chose et bien plus que la communication dune pensée. Les significations qui sentrecroisent dans un poème sont-elles le plus clair de la poésie, et ce que le traducteur doit donc restituer en toute priorité? Ou toutes ensemble ne constituent-elles pas quun seul plan dans lespace du poétique, lequel pourrait même valoir de leur opposer un acte tout autre de la conscience? 

Il faut évidemment se poser cette question, que je ne trouve pas trop présente dans les réflexions d’à présent sur la poésie. Et pour la formuler dans les perspectives que je crois justes, il me parait de bonne méthode de définir maintenant ce que cest que la poésie, la poésie comme telle, la poésie qui est assurément autre chose quun des aspects du discours. 

III

Définir la poésie! Le faut-il vraiment, allez-vous penser. On la fait si souvent, avec peu de résultats appréciables. Et, même, ne doit-on pas se demander si cette entreprise, qui ne saurait être que conceptuelle, nest pas vouée à trahir une parole qui ne lest pas? Mais je nai pas cette crainte, et vais tenter de vous faire part dune idée de la poésie. 

Ce sera en partant dune expérience vécue, et même vécue dans notre vie à chacun la plus quotidienne, en deçà de toute pensée de la poésie et de tout projet d’écriture. Une expérience qui souvent dailleurs a lieu dans lenfance: celle de ces moments où une chose, ou quelquun, sont là, devant nous, avec soudain en eux ce que je nommerai «de la présence», cest-à-dire une densité de leur être-là, une intensité de leur manifestation, qui transcendent avec une évidence absolue, irréfutable, notre éventuel désir de réduire ces choses ou ces personnes à une pensée de ce quelles sont. 

Cette chose – un mot bien pauvre, en cette occurrence –, cela peut être la cime dune montagne, apparue derrière des arbres, ou un grand chêne isolé, dans une clairière, ou une source dans un fossé ou même, simplement, le bruit, le bruit très faible, de cette source. Cette personne, cela peut être un in- connu aperçu de loin, à contre-jour, mais tout aussi bien quelquun de parmi nos proches, vu comme on ne lavait pas vu jusquen cet instant. Et ce qui alors émane des uns comme des autres, cest l’évidence dune intériorité, dune unité qui ne pourront se laisser réduire à la somme des aspects quen retiennent les appréhensions conceptuelles, dont cest la manière de procéder. 

Le concept, en effet, cest ce qui isole un aspect dans lobjet, lui donne un nom, et au moyen de ce nom insère cet aspect dans une relation avec dautres qui est la signification comme telle. Et de ce fait la réalité existante est abolie, effacée de notre conscience, car rien nexiste qui ne soit transcendant à chacun de ses aspects et même à la somme de ceux-ci. De ce qui est, avec le concept, on ne retient quune image. Dans linstant de présence, en revanche, dans cet instant de saisissement, l’être ou la chose nommés se sont dégagés de leur image. Et la réalité tout entière apparaît sous un autre jour, car on constate alors que les aspects sont en nombre infini dans la moindre chose, mais surtout quils y sont ensemble, enchevêtrés, et quils retiennent le regard et non dabord la pensée. La chose est là, sous nos yeux, dans son «ici» et son «maintenant», rien ne peut en prendre la place, elle a le caractère dun absolu, - et cest un absolu qui rejaillit sur nous-mêmes, qui dans cet instant la regardons. Dune part nous comprenons que nous sommes comme elle un ici et un maintenant: ce que «jamais on ne verra deux fois», comme la écrit un poète. Et dautre part, en cette finitude même, en ce non-être, nous ressentons que nous faisons corps avec le monde, que nous existons autant que lui et en lui. Doù l’émotion qui nous submerge dans ces instants de présence. Nous étions de l’énigme, nous voici désormais de l’évidence. 

Je me suis bien attardé à décrire cette expérience. Mais cest parce quelle est à mes yeux dune importance fondamentale. Je la vois comme le lieu dans lesprit dont plusieurs voies partent, et lune est la poésie. 

La première de ces voies? Celle que prennent les mystiques qui, après linstant de présence, veulent ne pas retomber dans le discours conceptuel, craignant que celui-ci nefface le souvenir de l’événement qui vient davoir lieu; et comme il nest pas de mot dans la langue qui ne soit porteur de concepts, ils cherchent à se dégager du langage, à se taire aussi radicalement que possible. 

Mais il y a un obstacle, sur cette voie, cest que si on renonce à lemploi des mots on renonce aussi au rapport aux autres personnes, dans un monde qui na figure que par leffet du langage. Et on peut ne pas vouloir ce renoncement, et ce sera alors s’établir dans un mode d’être ambigu, que jappellerai la poésie. La mémoire demeure, au moins partiellement, de lexpérience première, les concepts sont restés là, cependant, dans nos mots, dans notre parole, il faut donc retourner les mots contre les notions qui en réclament lemploi. Une conscience duelle, à la fois dans le relatif et dans labsolu, dans la fragmentation et dans lunité. Une entreprise qui peut paraître contradictoire. Mais cest une recherche qui peut commencer, tout de même, et même être poussée assez loin. 

 

IV

Il y a, en effet, que le langage présente une particularité remarquable. Et qui est que les mots sont porteurs des concepts, cest bien vrai, et assurent ainsi la signification, mais quils sont aussi une matière, en loccurrence un son, celui quont les phonèmes quand on les prononce à voix haute. Et ce son, cest de la signification encore, jusquen un certain point, il permet de différencier les mots, de distinguer entre «livre» et «lèvre», il fournit les allitérations qui soulignent des pensées ou imitent des perceptions, ainsi quand Lamartine écrit que le «rossignol senfuit en sifflant», un bien mauvais vers mais un bel exemple de captation du son par le sens. Toutefois une autre écoute du son des mots est possible. On peut entendre le son indépendamment de tout sens, lentendre dans le mot comme on voit une pierre sur le chemin: privée de sens, muette, retirée dans son en-soi impénétré et impénétrable. Et cest alors avec lui aussi, avec ce son caché sous le sens, une expérience de limmédiat. Il est là, devant nous, au-delà de toute signification concevable autant et de la même façon que la pierre brute. 

Il y a en lui, cependant, quelque chose quil ny a pas dans la pierre. Et qui est que l’être parlant que nous sommes peut faire corps avec lui sans quil ait à cesser d’être ce dehors, cette immédiateté absolus. Un bloc de pierre peut présenter à sa surface du rouge, du brun, du bleu sans cesser pour autant d’être la pierre privée de sens sur quoi vient buter lesprit, et de même le son vocal a une diversité perceptible, celle des voyelles et des consonnes. Mais la couleur de la pierre va nous rester étrangère, tandis que la variété des sons peut accueillir notre voix. Par de possibles répétitions de telle ou telle donnée sonore, par des allitérations qui sy marquent, cest-à-dire bientôt des rythmes, la voix peut venir habiter le son dans lespace même des mots. Or, quest-ce que la voix? Lexpression de notre pensée? Non, bien plutôt la présence sous celle-ci dun corps aussi immédiat que ce son ou ce bloc de pierre, en ce sens quil est décidé par des besoins d’être ou davoir qui le font exister en deçà des généralités du concept. Le son et la voix sunissent par en dessous le concept. Et il en résulte que notre intuition de présence peut vivre là, bien que parmi les significations. Elle peut paraître à leur table, pour en dénoncer lautorité. 

Après quoi? Eh bien, les concepts, les signifiés ne contrôlant plus notre regard, les choses peuvent se présenter comme en linstant fondateur de la poésie, disons en tout cas, plus modestement, comme elles le font, par exemple, lorsque nous allons silencieusement sous des arbres, à la lisière dun petit bois. Les choses ont retrouvé leur immédiateté, leur unité, dans cette parole même qui les avait abolies. Et la poésie, cest ce recours au son pour retrouver sa mémoire de la présence, comme son histoire le montre bien, qui se confond avec celle des mètres, des vers, des rimes, de tout ce qui fait valoir, par rythmes, par musique, le déploiement du son contre celui de la signification. 

Que je me hâte pourtant de dire que cet acquis nest jamais que provisoire. Le corps aussi est pénétré de concepts, ses désirs ont fait alliance avec eux pour leurs actions ou leurs rêves, la vie ordinaire aussi réclame dans le poème, et les significations sont donc toujours là, avec leurs façons de mettre la finitude à distance, den réprimer le savoir. Lattestation de la présence dans la parole, en cela pleine poésie, ce nest jamais que pour un instant, et la poésie comme elle est en fait, cest moins cette délivrance que son besoin, et sobstiner à la retrouver quand déjà elle nest plus quun souvenir, dont même on vient à douter. La poésie, cest chercher plus que trouver, peut-être même est-elle plus vraie quand elle cherche, avec fièvre, que lorsquelle trouve, non sans parfois sabuser. Et je la dirai, au total, une activité. Non un texte, car lessentiel est en dehors du poème, dans le vécu. Non un état de conscience, puisque ses bonheurs sont si instables et fugaces, mais une activité, où joueront leur rôle contradictoire notre aliénation par les mots et notre besoin daccéder à l’être. 

V

Je viens de consacrer beaucoup de temps à définir la poésie, dans cette heure où jai à parler de sa traduction, et encore laurai-je fait dune manière bien trop succincte. Mais ces indications me permettent den revenir à la signification dans les poèmes, et de montrer quelle cache un piège qui risque d’être fatal au traducteur. 

Des significations, explicites ou implicites, voulues ou subies, simples ou complexes, on en trouve partout dans les poèmes, je lai déjà souligné, et souvent de la plus grande importance, mais ce que nous voyons maintenant, cest quelles y sont comme un empêchement à la poésie, puisque celle-ci apparaît comme le déni du conceptuel au profit dune intuition de présence, dun regard sur limmédiat, sur la finitude, cependant que les significations, cest du conceptuel, cest-à-dire du médiatisé, de la généralisation, loubli du temps, de la mort. La signification est nécessaire à la poésie, puisque celle-ci est un fait social, une parole adressée aux autres êtres. Mais elle est aussi ce qui laveugle, et ce que le projet poétique ne peut donc que dénoncer autant quemployer, dans une action dialectique qui traverse ses mots et en rectifie la visée. - Alors, que va donc pouvoir faire le traducteur? Comment peut-il revivre ce qui nest pas formulation mais combat? Ce qui nest pas un texte, mais le mouvement qui a produit celui-ci, et ne vaut que par les traces quy a laissées son espérance déçue? 

Ces significations, il faut tout de même que le traducteur sen occupe, et un mot, tout dabord, sur le peu de moyens quil a, de toute façon, pour les appréhender et les restituer. Car, par exemple, les concepts qui les constituent ne se retrouvent jamais tout à fait les mêmes dans la langue quil emploie: ce qui suffit, aussi minimes ces écarts pourraient-ils paraître en prose, pour égarer la pensée et le sentiment poétiques. 

Des exemples? «Speech», en anglais – ou «speechact»! – sont évidemment débordés par notre «parole», une notion qui est en français ancrée dans la vie de tous les jours, avec ses émotions, ses rêves, ses espérances. «Obvious» sera «évident» mais comme un raisonnement peut l’être; et notre «évidence» française, qui est lauto-proclamation de lidentité à soimême dune chose, na pas non plus d’équivalent en anglais. Comment dire en anglais, dun seul mot semblable, «l’évidence» dun grand moment de la vie, ou simplement de l’éclat du ciel du soir? Et dans la langue de Keats mais aussi de Locke ou de Hume ce ne sont pas seulement les concepts qui sont autres que dans les parlers de souche latine, cest la conceptualisation comme telle qui se situe autrement dans la conscience. Les concepts en anglais imaginent moins que les nôtres quils expriment directement la nature intime - lessence - des événements ou des choses, ils préfèrent les prendre par le dehors, en cela davantage capables de lempirisme des sciences.

Et pensez aussi aux contaminations des concepts par leur contexte dans la langue ou la civilisation, voire le climat. Je pense à «spring», en anglais, le printemps, un mot qui peut se faire concept quand il sagit de comprendre les besoins de la vie, les époques de lexistence, les sentiments, ou le devenir des cultures. Lidée du printemps est évidemment importante partout au monde, le mot «primavera» éveille lui aussi beaucoup d’émotions, même notre pauvre «printemps», si peu évocateur, est bien reçu parmi les poètes, mais comment rivaliser avec «spring», qui également signifie la source, avec entre source et printemps la présence active dun verbe, «to spring», leur origine commune, qui dit, qui déploie, le jaillissement, la brusque irruption du caché? «Spring», «springtime» si importants, aussi bien, si prévalents dans la poésie anglaise, ainsi à l’époque élisabéthaine quand les fêtes de mai et autres rites et danses de la religiosité populaire étaient encore vivants. Traduire «spring» ou «springtime» par «printemps», cest perdre beaucoup des chansons de la renaissance anglaise ou du folklore irlandais. 

Et si dailleurs il sagit pour le traducteur, par exemple dans ces chansons, d’écouter les sons et les rythmes, dautres difficultés se présentent, dont il ne me semble pas quon ait assez pris mesure. Dune langue à une autre à ce plan des sons, qui sont toujours en rapport étroit avec le sens, aucune possibilité de transposition réelle, rien que de vagues ressemblances qui nabusent que ceux qui ne savent ni écouter ni comprendre. 

Je pense, disant cela, au Corbeau, le célèbre poème dEdgar Poe. Il est clair que cette méditation du néant a pour expérience originelle deux ou trois sons que Poe entendait se répercuter dans les vers comme des échos dans des salles vides, suggérant un monde où rien ne serait que de la mort, de labsence, du néant. Et au premier rang de ces sons il y a «ore», si beau dailleurs, et si bien placé dans ce poème pour en servir lintuition, puisque cest «ore» qui résonne dans la porte que frappe l’être inconnu, the chamber door, ou qui évoque de vieilles croyances énigmatiques, celles des volumes of forgotten lore, ou qui appelle toutes les vies à seffrayer de la nuit, cest alors the Nights Plutonian shore; et qui, surtout retentit, dans le mot Nevermore, «jamais plus», fatidiquement répété. Cest sur ce son «ore» que tout se joue, mais que pourra-ton en sauver dans la traduction du Corbeau? Faudrat-il, en français aussi, faire appel à des sons en «ore», si par chance on peut en trouver dans des mots qui se prêteraient aux mêmes évocations? 

 

Eh bien, le Français qui fut le plus fasciné par le Corbeau, un poète au moins aussi grand que Poe, Mallarmé, a remarqué ce son «ore» et la employé lui aussi, dans son non moins célèbre «sonnet enyx». Ce sonnet est aussi nocturne, aussi pénétré de la pensée du néant, que le poème américain, qui en fut dail- leurs la cause première; et on pourrait donc croire que les rimes en «ore» produisent dans le «sonnet en -yx» les mêmes effets que chez Edgar Poe. 

Mais pas du tout! Les rimes en «ore» chez Mallarmé sont lampadophore, un mot quasi inventé, daucune résonance affective, amphore, sonore, qui font plutôt penser à la Grèce antique et à sa lumière, et enfin la forme verbale shonore: rien donc qui suggère quoi que ce soit de funèbre, de sépulcral. Et dans les tercets, juste après ces premiers emplois, le son «ore», qui ne disparaît pas, se resserre en «or» pour quatre autres rimes centrées sur lidée de lor, le métal stérile, et sur celle du septuor, une forme pure, autrement dit sur un intellect pour lequel la réalité, ce sont des essences, des structures intelligibles, exactement le contraire des associations vagues et ténébreuses montées de linconscient du poète américain. Le son qui, chez ce dernier, ouvrait sur linconnu, suscitant limpression dinquiétante étrangeté, langoisse métaphysique, leffroi, cest chez Mallarmé ce qui dénie tout mirage, ce qui tente de cautériser linquiétude quavait suscitée Le Corbeau. Mallarmé a perçu que les sons ne sexpatrient pas. Et quand il traduira les poésies dEdgar Poe, il jugera donc plus raisonnable de renoncer au secours des sons et des rythmes. Il traduira Poe en prose. 

Les rythmes, dailleurs, comment Mallarmé aurait il pu en faire un moyen de sa traduction puisque le français est une langue peu accentuée, où la forme est créée en poésie, en tout cas la été longtemps, par le décompte des syllabes? Tandis que langlais a des accents très distinctement marqués, ce qui permet liambe, cette syllabe brève suivie aussitôt dune longue, porteuse de laccent: une sorte de pas, davancée franche, qui permet une relation cette fois directe à lexpérience du temps, celui non des horloges mais de la vie. La poésie en français va de lintemporel vers le temps, langlaise naît dans le temps existentiel et sy établit. 

En bref, que dempêchements, à tous les plans de la signification, et maintenant la difficulté fondamentale, celle davoir à traiter cette signification, bien traduite ou pas, comme lobstacle que le poète a eu à surmonter dans ses vers pour accéder à la poésie! Cest au point que lon peut se demander si la traduction de la poésie est possible; sil vaut la peine de lentreprendre. 

 

VI

Mais je vais cesser maintenant de penser au poème ou au poète pour prendre en considération le lecteur, ce troisième terme dans l’événement poétique. 

Etre un lecteur, un vrai lecteur, quest-ce que cela signifie? Que lon a vécu, comme le poète lui-même, un de ces moments qui assurèrent de voir dune façon autre que dans les états ordinaires de la conscience. Après quoi, et toujours comme le poète, on a compris que la pensée conceptuelle était un appauvrissement du regard et on a rêvé dune parole plus pleine. Le lecteur assiste, dans les poèmes quil lit, à cette transgression du conceptuel quil a appelée de ses vœux. Il nest pas la cause de celle-ci, il peut même craindre quil naurait pas pour sa part l’énergie den entreprendre la tâche, mais il est tout de même en mesure den suivre le mouvement, den reconnaître les avancées et les défaillances, den partager lespérance: et cela, très en profondeur. Car l’œuvre, ce fut pour commencer une écoute du son, une adhésion à un rythme, une implication de la voix dans la parole. Et lui aussi, le lecteur, il a un corps, une voix. Cest à demi voix plus quavec ses yeux quil lit. Ce qui assure dailleurs un surcroît dintimité avec celle-ci. On peut penser que la pensée du poète se livre à lui, dautant que cest dans le texte même, et non en deçà de celui-ci, quelle vit ses espérances, et constate et médite ses échecs. 

L’œuvre est le journal dun rapport à soi, même quand elle tente de ne pas l’être. Le poète y avoue ce que dans sa vie au dehors de l’œuvre il cacherait aux autres ou en tout cas ne parviendrait pas à leur dire. 

Le lecteur a accès à la pensée, disons même à l’être, de lauteur, et cela, cest exceptionnel, dans le rapport entre les personnes. Nous nous gardons, en effet: devant nous-mêmes autant que devant les autres. Et sil en va autrement dans la relation damour, cest de façon bien ambiguë et fragile. Lamour est bien, en tout cas il devrait être, la reconnaissance dun autre en labsolu de son hic et nunc; et cest donc aussi le désir d’être à soi-même une vraie présence, ouverte à des intuitions ordinairement réprimées. Mais l’être aimant est souvent le prisonnier dune idée de soi, qui se projette sur qui il aime, lui substituant une image. Et cet autre, nest-il pas porté lui aussi à senfermer dans ses mots, dont il est seul à avoir la clef? Pour transgresser ces malentendus il faut à lamour une intensité qui est aussi rare que les grands moments de la poésie. 

Et voici qui confère donc au lecteur un statut singulier dans la relation sociale: il est – ou du moins, peut être – celui qui, allant à lautre, et se prêtant à des mots que cet autre avait écrits sans un interlocuteur encore, comprend le besoin d’échange, lassume, et assure ainsi à un être, cet écrivain, ce poète, cette présence pleine que lintuition poétique a rencontrée, plus brièvement, dans le monde. Le lecteur transpose dans un rapport de parole cet événement qui avait pris de court le langage. Après le son dans le mot, il est la seconde chance du poète, qui lanticipe, aussi bien, qui lappelle – «hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère» – dans le champ de son écriture: et quelquefois, hélas, pour tenter den étouffer lexigence. 

Mais tout na pas été dit, de ce point de vue qui est en somme celui de la circulation du poétique dans ce rapport social pour lequel le poète a renoncé à se vouloir le mystique. 

Reste en effet que si le lecteur peut participer ainsi de la recherche tentée par le poète, à partir dune expérience première quils ont faite lun comme lautre, il nest pas moins privé de lentendre autant quelle le mérite, cest- à-dire avec les moyens dintensification et de vérification que lui donnerait sa propre faculté poétique sil lexerçait comme il le pourrait peut-être et là où il le faudrait alors, dans le champ de sa propre vie. La pleine écoute demande que lon soit averti de qui soi-même lon est, au niveau profond où contact a été repris avec le sentiment de la finitude. Et pour ce faire il faut sengager dans un travail d’écriture - de remuement de soi par l’écoute du mot, l’éveil de la voix, la parole rendue à lintuition de présence dans la vie la plus personnelle - que ce moment de simple lecture ne permet pas. 

Doù suit, dailleurs, que le lecteur aura beau être averti de la poésie et perceptif du poète, il va se retrouver aussitôt après sa lecture dans son parler habituel, où le conceptuel prédomine, et ne pourra penser à l’œuvre lue, ou en faire part à dautres que lui, qu’à la façon des critiques, avec déjà, sur son expérience première, ce regard qui la met en risque d’être perçue du dehors, de devenir objet danalyse. Ce lecteur devenu critique va sintéresser aux idées du poète, disons, au lieu de rester à vivre à lintérieur de ses mots.

 

VII

Bien, mais pourquoi ces remarques, sur le lecteur de la poésie? Parce quelles nous conduisent au cœur de notre problème, celui de la traduction. 

Imaginons, en effet, imaginons maintenant que ce lecteur soit en présence dun texte écrit dans une langue étrangère; et quil se propose den faire une traduction qui préserverait son caractère de poésie. Sera-ce la même situation de rencontre à la fois intime et empêchée que celle que je viens de décrire dans le cas dun lecteur parlant la même langue que le poète, ou ne songeant pas à le traduire? 

Non, absolument pas. Lobstacle qui empêchait la pleine lecture a disparu, en effet, ou du moins pourrait disparaître. En décidant de traduire la poésie, la poésie comme telle, le lecteur en question, celui qui sait ce que cest que la poésie, a évidemment en esprit limportance du son et des rythmes dans celle-ci, et donc le rôle fondamental quy joue l’écriture. Il sait que la poésie est un acte, il sait que cest cet acte quil faut traduire. Et il a donc compris que cela ne sera possible quau plan où lui- même, cessant d’être un récepteur passif, et voué à la seule intellection, va prendre en main sa propre existence, dans une écriture à son tour, où celle du poète quil veut traduire jouera le rôle de visiteur écouté, de guide. Le traducteur de la poésie se doit d’être un poète, obligé à soi autant qu’à lauteur. Cest précisément pour cela et comme cela quil nest pas le lecteur ordinaire, celui qui ne songe pas à traduire. Il est autre. Est-il davantage? Disons quil se donne une tâche qui va le requérir davantage. 

Entendons-nous, dailleurs. Je suis loin de penser quun rapport nécessairement profond va s’établir, entre ce traducteur qui se veut poète et lauteur, du simple fait que soit prise cette sorte de décision. Le traducteur a évidemment des limites, dans sa capacité de poète, qui vont se marquer assez vite après ce premier instant. Dautre part il se heurtera, à ce plan d’écriture aussi, aux disparités qui existent entre les langues, ce qui peut lempêcher de comprendre le texte original, moins dans sa littéralité que comme occasion de sympathie, de complicité. L’œuvre peut présenter dans cette situation d’écoute plus intérieure de quoi le rebuter, le décourager. Mais là nest pas la question. 

Ce qui importe, en effet, du point de vue que jessaie de faire valoir, cest cette intimité accrue, quelle soit ou non en péril de malentendus ou d’échec. Car elle permet une prise de conscience que rien autrement nassure dans la communauté des poètes; un regard sur les soubassements de lacte de poésie qui suffit à donner à cette entreprise, la traduction des poèmes, à bien des égards si décevante, une valeur et une importance considérables qui pourraient même, demain, le devenir plus encore. 

Pourquoi cela, quel est cet apport spécifique de la traduction qui se veut demblée écriture, demblée recherche de poésie? Mais remarquons dabord le lieu où – de toutes façons, quelque soit le traducteur – s’établit la relation de qui traduit à ce quil traduit. Un traducteur, cest quelquun qui doit lire comme dordinaire on ne le fait pas. Il se doit à chaque détail, que ce soit une métaphore obscure ou un passage mal édité, corrompu; il nabandonnera cette énigme que lorsquil laura éclaircie; et pour ce faire il aura consulté les lexiques savants et les éditions critiques, écouté dans celles-ci ou ailleurs lopinion du plus grand nombre possible dexégètes, même questionné ses amis. Un traducteur, autrement dit, ne cesse de sarrêter, de revenir en arrière. Et parfois cest de nuit autant que de jour, au milieu de ses autres occupations, doù de laffection, bien souvent, pour cette œuvre vécue si proche, pour cet auteur, et le désir de rester en leur compagnie: nombreux ceux qui le font jusquau dernier jour de leur existence. 

Et si le traducteur est poète, cest-à-dire porté dans l’œuvre à son caractère de poésie, désireux den pénétrer le secret, quel surcroît d’écoute ces formes concrètes de son travail vont-elles lui assurer! Celui-ci est donc un événement de sa vie la plus quotidienne, or celle-ci est évidemment le foyer de ses décisions les plus essentielles, étant sa finitude en action. Et la lecture de lautre se mêle donc à sa lecture de soi au plan qui découvre le mieux ce qui dans une vie de poète en soutient et explique les décisions d’écriture. Lauteur peut être présent à son interprète à tous les niveaux de sa vie, depuis les moins héroïques. Des signifiants de ses poèmes s’éclairent, qui auraient pu demeurer inexplicités. Voici qui ne peut que faciliter la prise de conscience que jannonce fondamentale. 

Comment caractériser celle-ci? Dun mot: ce que jai dit et redit qui faisait obstacle à la traduction des poèmes – autrement dit les concepts de la langue où ils sont écrits, la façon dont ils ont rapport au réel, leurs relations réciproques, tout cela étranger à la langue du traducteur –, cest cela maintenant qui se révèle sa grande chance. Ces différences désespérantes, du point de vue du poème quil faut produire, en reflet supposé de loriginal, cest cela qui se fait une occasion de pensée et même de maturation poétique. Et pourquoi? Parce que la comparaison des structures conceptuelles, entre les deux langues, ou même avec dautres encore, pointant à lhorizon du travail, cest ce qui permet de démonter les manœuvres de la pensée conceptuelle, dont les prétentions dabsolu, quant au savoir de la vie, ne peuvent que s’écrouler quand le témoignage dune langue montre quelles ne sont que les habitudes dune autre. Et cest donc ce qui dans la traduction vient soutenir, ce qui est utile, laffirmation poétique que les systèmes de représentations conceptuelles ne sont jamais que des mondesimages, dans lesquelles sest effacée la plénitude de l’être. La traduction nest-elle que le rendu incertain dune poésie? Non, elle est loccasion de penser à la poésie, den comprendre les voies, den indiquer la nécessité, daider à son recommencement là où cette nécessité était en risque d’être oubliée. Et elle peut apporter ce témoignage et désigner cette voie dune façon convaincante, parce que cest dans une écriture de poète, au travers de son existence, quelle aura acquis ces pensées, et non par simple philosophie. 

 

VIII

Devrais-je mexpliquer davantage, sur ces situations où la traduction nourrit lanalyse différentielle? Assurément, et dabord en donner quelques exemples. Suivre ainsi quelque traducteur, français disons, quand il constate que le chemin quil eût pris, spontanément, se voit dénoncé, refusé, par un grand poète, sur quoi il lui faut sinterroger sur le sens de la vie, sur les façons d’être, et parfois porter loin, dans sa pensée et son écriture, une réflexion sur soi et le monde. Traduisant Shakespeare, jai eu pour ma part à affronter la question de lacceptation par lauteur dHamlet dimages on ne peut plus triviales au sein même de la parole tragique, ce qui révèle un rapport de la conceptualisation au monde tout autre que dans le théâtre de Racine, tout autre aussi que chez Victor Hugo ou Claudel: et ce fut donc devoir repenser beaucoup de choses depuis ma lecture du classicisme, obligé davouer ses torts, jusqu’à des aspects de ma propre vie. Dautres cas de semblables heurts entre façons d’être, suivis de vraies décisions, je pourrais et je devrais en donner, ils sont nombreux dans lhistoire des traductions comme aussi dans mon expérience: mais le temps me manque, aujourdhui. 

Doù plutôt, et plus rapidement, deux remarques, sur la conséquence à tirer de cet apport de la traduction, dans le champ des pensées de notre époque. Dune part, celle- ci étant ce quelle est, une méconnaissance assez générale de lacte de poésie, il ny aura jamais trop de réflexion chez ce traducteur qui en est capable. Bien sûr, il doit dabord être soi, au sens le plus concret de ce mot, au cœur des faits de sa propre vie, cest dailleurs la seule façon possible, je lai dit, de se porter, par de l’écriture, à lintelligence du poétique dans l’œuvre que lon écoute. Mais le besoin de la poésie moderne est moins dexplorer une subjectivité que de poser la question de la présence, puisque elle est seule aujourdhui à pouvoir le faire, en marge de religions trop encombrées de leurs mythes. Les poètes se doivent donc dobserver et de dire aussi précisément et complètement que possible le lieu et les voies de leur acte de poésie. Et le traducteur lui aussi, poète en sa traduction, se doit daller tout aussi loin dans lexamen dun travail dont il a fait son laboratoire autant que lexpression de son affection pour une œuvre. Toute traduction est une pensée, quil est bon de rendre explicite dans les marges de l’écriture proprement dite. 

Et cette autre remarque: il ne faudra pas attendre delle, en revanche, ce quelle na pas à donner. Dabord, la fidélité littérale. Puisque pour comprendre un poème le traducteur doit en passer par la personne quil est, celle- ci va interférer avec le texte de ce poème, cela créera des remous, mais la recherche a même visée dans les deux textes, et on peut compter que ce qui compte dans l’œuvre aura été reconnu, et en profondeur, quand le travail sera terminé. De la désinvolture, non: le seul véritable sérieux. Et quon noublie pas, aussi bien, comment la poésie se donne à entendre. Non par la lecture sage, celle qui va du premier mot dun livre au dernier, mais par des vers isolés, des images qui se détachent des pages, qui éblouissent: et un vocabulaire qui souvent trouble sans quon en comprenne le sens. La poésie est moins un texte quune matière qui irradie sa lumière. Et cest une matière de même sorte que le traducteur doit livrer à lattente de son pays et de son époque. 

Cette attente, en retour, on se gardera den faire un programme, un échéancier. Les traducteurs se devant d’être des poètes, ils seront tout aussi imprévisibles et même aussi peu nombreux que les poètes le sont. Et ainsi faudra-t-il se résigner à ne pas voir tel grand poème traduit au moment où on le voudrait par tel traducteur quon eût espéré pour lui. Plutôt prévoir à côté des traductions- poésie des approches qui trouveront leur qualité, leur grandeur, dans linvestissement méthodique de tout ce qui dans l’œuvre est le matériau du poétique : travaillant alors sur la signification comme telle, la dégageant des énigmes que font peser sur elle, par le dehors, le dictionnaire ou quelques événements de son moment historique. Ces traductions savantes, et jen connais dadmirables, sont évidemment nécessaires, pour bien des besoins de lesprit. Il faudrait seulement quelles accentuent leur valeur explicative par un appareil dintroductions et de notes qui serait le parfait complément des traductions dentrée de jeu poétiques. Si bien quentre celles-ci et celles-là, entre faits de langue et vérité de parole, on pourrait même espérer une relation vraiment dialectique. 

 

IX

Au commencement de ces réflexions, jai peut-être laissé entendre que le traducteur de la poésie avait à subir la langue du texte original au moins autant qu’à laffectionner. Tant de difficultés lui venant des différences entre cette langue et la sienne à ce plan où la poésie se cherche! Toutefois, puis-je en rester à cette pensée? Certes non. Dabord, je viens de dire que ces difficultés étaient en réalité une chance. Elles privent ce traducteur de la littéralité dans le poème mais lui ouvrent la voie dune pensée de la poésie. 

Mais elles offrent plus que cela. Imaginons, en effet, quil ny ait quune seule langue: comme «avant Babel», dirai-je par métaphore. Une structure conceptuelle régnerait alors sans partage sur les esprits, ce qui aurait des effets funestes. Du concept aboutissant résulterait loubli de la finitude et de son savoir de la vie, la réification dautrui et de tout, la hantise davoir, de posséder, lorgueil de lavoir fait ou d’être en mesure de le faire: un totalitarisme, immanent à chacun et tous dans une société privée despérance. Bien mieux vaut donc quil y ait des langues diverses. Prenant conscience de différences on peut alors espérer accéder un jour à une conscience dautrui qui serait autre que théorique, ce qui ferait des propositions d’échange ou dalliance autre chose que des idéologies ou des dogmes. 

Que de conflits, pourtant, dans ce monde des différences comme il se trouve que nous lavons! Que dabsurdité et que de violence! Ne faut-il pas quune action ait lieu, pour sopposer à ces forces qui ne cessent pas de produire des milliers de systèmes clos? En ce point reparaissent ces rêveries dune langue originelle qui ont hanté tant desprits à travers les siècles. Faut-il sy intéresser, évidemment pas. Nos ancêtres les plus lointains, dans leurs gîtes précaires, ne parlaient pas une langue voulue par Dieu, adéquate à un monde que celui-ci eût créé. Toutefois, cest un fait que le langage sest établi comme le lieu de lhumanité sur terre, avec en son sein de grandes présences, montagnes, arbres, le pain, le vin, qui ont permis et pourraient permettre encore un rapport dintimité harmonieuse entre la personne et son univers. Sil ny a pas de langue première, on peut donc trouver du sens et de la valeur à lidée dun intelligible qui se constituerait au moyen de grands aspects de la terre, et de leurs noms: un verbe, si jose dire, en puissance universel. Et on peut vouloir préserver ce bien, sil a quelque chance d’être, en faisant quil sadapte aux changements delà société, cest- à-dire en limpliquant dans une parole, évidemment poétique. 

Reste que la pensée conceptuelle, qui prédomine dans nos pensées, naide guère à distinguer les «vivants piliers» dans le désordre du monde. Et pour que cet intelligible advienne et demeure au filigrane des langues restées diverses, ne faut-il donc pas dans chacune le travail de la poésie mais aussi et surtout celui de sa traduction: cette traduction poétique qui expérimente la disparité des idiomes au plan, précisément, où cest la pensée conceptuelle qui linstitue et laggrave? Une nouvelle «tâche du traducteur», je reprends un titre fameux, dont le pressentiment est ce qui explique, à mon sens, lagitation des esprits que je signalais au début de ces remarques. Notre temps commence à comprendre que cest à la traduction de la poésie quil revient d’éclairer la voie de «lauthentique séjour terrestre». Authentique parce que délivré des mythes qui privaient de voir ce qui est dans sa finitude – sa plénitude – essentielle. 

 

X

Mais un mot encore, et pour finir, sur la motivation qui peut soutenir un projet aussi ambitieux.
Pour importante que soit la «tâche du traducteur», en effet, rien en elle nexplique suffisamment la décision qui incite quelquun à lui vouer son travail et parfois même sa vie. Cest une chose de lire des œuvres de poètes, même de vouloir les traduire, cen est une autre de faire de cette traduction une forme de la création poétique et une réflexion sur le devenir de la poésie. Pourquoi ce choix? Qui peut désirer ces difficultés, ces frustrations, même si elles sont fructueuses? Ou plutôt, pourquoi ce désir existe- t-il, quels aspects de lexistence ordinaire nourrissent-ils ce besoin de scruter les langues, dy déceler ce qui peut aider dautres langues à sapprofondir comme poésie?
Eh bien, voici mon hypothèse. Ceux qui décident ainsi ont, dans leur enfance, souffert dune certaine blessure. 

Lenfance, à nouveau? Mais pourquoi non, puisque elle est si souvent l’époque où un surgissement de présence a bouleversé le rapport à la parole dun être alors encore au début de sa recherche de soi? Les conséquences de ce grand choc, cest bien tout de suite quelles ont dû se produire. 

Et lune de ces conséquences, il fallait bien aussi quelle se fit sentir dans une situation où lenfant avait eu jusqualors toute sa vie, avec beaucoup d’émotions déjà et de soucis et daspirations mal comprises. Je pense à sa relation aux parents, ce père qui lui enseigne la loi et sa pensée conceptuelle, cette mère qui plus fréquemment le garde du côté de linfini et de labsolu dans les choses. Quand il est saisi, tout soudain, par une impression de présence, quand il comprend quil se voue ainsi à un rapport aux mots de sorte nouvelle, avec un risque de solitude, nest-il pas évident que le petit enfant va se demander, aussitôt, si ses parents ont été ou restent capables de cette même rencontre? Sil va pouvoir la partager avec eux, alors même quils lui enseignent la langue quil sait quil doit contester? 

Il se tourne vers eux. Mais le pére et la mère sont des adultes, ils ont les préoccupations de la vie adulte, ils parlent la langue du réifié et du monnayable, et il y a là de quoi inquiéter. Faut-il penser quon ne pourra plus les retrouver à niveau profond, eux ou dautres? Que ce nest plus que de loin quon pourra les aimer, avec tristesse? 

Et lenfant de se demander alors: cette façon que jai de voir larbre et den entendre le nom, mes parents nen sont-ils pas capables, sauf que, pour quelque raison, ils nont pas le désir de le reconnaître? Il va se faire attentif à ce qui pourrait être chez eux lindice de ce pouvoir gardé tu. Tel propos obscur, tel intérêt dont on ne sait pas la cause, telle façon, parfois, de regarder au loin, de se taire, de s’éloigner silencieux, d’écouter avec quelque trouble une humble chanson, un petit poème, telle façon surtout quont le père et la mère de sisoler pour parler entre eux, avec des mots quon ne comprend pas: tout cela, oui, des signes, que leur observateur passionné estime qui sont les preuves de ce savoir quils nont pas voulu partager. Mais pourquoi ce refus, pourquoi avoir laissé la vraie vie au dehors de lici et du maintenant du monde? 

Et la réponse, logique: cest parce quici, maintenant, ils ne pourraient parler la langue quils savent, la langue de la présence. Sils se taisent, cest parce que la vie les a chassés du pays où cette façon dexister, de voir, leur avait été et leur fût restée naturelle. Et maintenant on va épier en eux, avec émotion, ce qui paraît un regret du pays natal, et rêver que celui-ci était la terre même de l’être. – Jai pensé ainsi, pour ma part, je men suis souvenu le jour où, lisant Keats – que jai fini par traduire - je fus saisi par les vers qui évoquent Ruth lorsque, «sick for home / She stood in tears amid the alien corn». Cette jeune fille en pleurs, mais fière et droite en pays dexil, réveilla mon regard denfant sur ma mère qui elle aussi, en effet, avait perdu un lieu, une vie ancienne, et en avait le regret. 

Rêve dune expérience de poésie au plus secret dun autre être. Rêve de se porter en lui jusqu’à ce point où sa voix mystérieuse serait audible, à travers la langue tout extérieure qui a servi de barrage. Puis abandon de cette espérance. Mais l’étonnement et le chagrin nen restent pas moins à vif. 

Et quand, plus tard, voici quon se trouve en présence dune langue encore inconnue, mais où, de loin, on entend parler entre eux, obscurs, des poètes, l’émotion dautrefois reprend, le souvenir se reforme, de la terre de lorigine: on a désir de se porter dans ces mots étrangers vers ce quon rêve à nouveau le secret perdu... Hélas, on le sait aussi, maintenant, il ny a pas de terre de lorigine. Cest dans les mots dici et de maintenant quil faut que la poésie s’établisse, et dailleurs il nexiste pas de mots qui seraient dune autre nature: langlais ou même le latin, litalien ou même le grec, sont du même côté que nous dans la relation de la parole et de l’être. Si bien que ces poètes là-bas, dans la profondeur de leur langue, Keats, Virgile, Leopardi, ce ne sont pas nos parents, cest nous, ce sont des frères avec lesquels il faut partager la tâche de faire advenir où nous sommes la terre de résurrection, notre monde. 

 

 

I

Gentile pubblico, nel corso degli anni mi sono occupato a più riprese del problema della traduzione della poesia, ma fino ad oggi lho trattato avendo in mente le opere da tradurre, e preoccupandomi dei mezzi necessari per tale compito: non sarà questo, oggi, il mio punto di vista. Infatti, adesso vorrei porvi, da traduttori, tuttaltra questione: la natura e gli effetti di un atto – tradurre, tradurre la poesia – in coloro che si votano a tale impresa e la sentono talvolta come una vera e propria ossessione. 

È questo, in effetti, uno dei tratti distintivi del nostro momento storico. Quando si parla, oggi, della traduzione poetica, le discussioni si animano, addirittura si infervorano, in libri o convegni cui i filosofi prendono parte accanto ai traduttori veri e propri. Pensiamo a Paul Ricœur, a Georges Steiner che scrive il suo Af- ter Babel, a Antoine Berman, che dedica tutta la sua troppo breve esistenza ad opere tanto penetranti: Lépreuve de l’étranger, LAuberge du lointain; pensiamo anche alle riflessioni che incessantemente si ri- propongono sulla traduzione secondo Hôlderlin, sulle speculazioni di Walter Benjamin in «Il compito del traduttore», o sullapproccio di Klossowski allEneide. È forse questo solo un bisogno di risolvere un problema senzaltro molto complesso, una curiosità puramente intellettuale? Da parte mia, leggo piuttosto una speranza dietro a questi dibattiti. Una speranza inconscia, o mal formulata, che bisogna dunque cercar di comprendere. 

 

 

 

II

Ma, prima di tutto, unosservazione: per affrontare come si deve il problema della traduzione delle poesie, o, piuttosto, della poesia, bisogna occuparsi immediatamente della questione del significato, la quale richiede uno studio più attento di quello che normalmente le dedichiamo. 

Vi è molto di «impensato» nella riflessione sul significato e, in particolar modo, sulla sua funzione ed il suo ruolo nella singola opera. Sembriamo pronti a credere che questa funzione e questo ruolo siano gli stessi in ogni altro uso della parola, e, daltra parte, è ben comprensibile. Vi sono tanti significati che hanno, con tutta evidenza, un valore come tali per i poeti, nel più profondo delle loro opere. Non dovremmo dunque soffermarci su di essi, concedendo loro la stessa importanza che hanno in un contesto in prosa? Ciò non sembra affatto discutibile, e per mostrare che sottoscrivo questo punto di vista, almeno in certa misura, mi richiamerò a due esempi, due incipit che ci incitano ad entrare subito nel vivo dellopera attraverso il significato. 

Il mio primo esempio è Sailing to Byzantium, di Yeats. Le prime parole di questopera sublime sono: «That is no country for old men». Si tratta certo di un «meaning», di un significato se mai ve ne sono, ed anche di uno «statement» che va ad introdurre, lo si percepisce, molte altre affermazioni e scelte di pensiero successive. Ora, sin dalle prime parole, quante suggestioni come stratificate, materia per interpretazioni tra le quali lintelletto deve operare una scelta, o, quanto meno, mettere ordine! Questo «that», che vale per «no country for old men», questo «qui» che non è un paese per i vecchi, cos’è dunque? La vita in quanto tale, che non tollera la vecchiaia? La civiltà occidentale che non sa più, contrariamente a civiltà più antiche, far posto agli uomini che sono invecchiati, sollecitando la loro presunta saggezza? Oppure: questo mondo che non conosce nientaltro che: «the young» «in one anothers arms», non è forse la nuova Irlanda, votata alla sua rivoluzione, al suo sogno di ringiovanimento, mentre Yeats, da parte sua, ha iniziato ad invecchia- re e sta rinunciando a Maud Gonne? Queste poche parole e questo primo verso, pongono dunque una questione sicuramente atta a favorire una riflessione di carattere concettuale; quella che deciderà ciò che è, in definitiva, Bisanzio per il poeta: Bisanzio, laltra riva che offre forse un bene ignorato nel paese dei giovani. 

Molte delle aspirazioni spirituali dellOccidente, molto del suo immaginario metafisico si scoprono, retrospettivamente e prospettivamente, nella preoccupazione di Yeats che scrive Sailing to Byzantium. Ed ecco allora, trovata per caso, la prova che c’è un significato nella poesia e il traduttore di questa non dovrà far altro che cercare di penetrarlo, per restituire nella sua opera un pensiero la cui importanza era verosimilmente molto grande per il poeta. Insomma, può sembrare evidente che questo «passaggio» sia indispensabile e, addirittura, lessenziale dellatto di traduzione: ciò che George Steiner dice a suo modo in After Babel, servendosi di una metafora la cui veemenza fa certamente riflettere: si tratterà di un rapimento, egli dice; la parola è la bella prigioniera che condurremo nel nostro campo, purché la si rispetti, e le si rendano tutti gli onori. 

E adesso laltro esempio, laltro incipit, tanto più significativo in quanto può apparire di primo acchito tuttaltro che un pensiero articolato, ma semplicemente la cornice di una campagna notturna. La «sera del dì di festa» di Leopardi inizia con questo verso: 

Dolce e chiara è la notte e senza vento, 

verso che io ho tradotto, accanto a quelli che seguono, con: 

Douce et claire est la nuit et sans un souffle 

Et paisible au dessus des toits, sur les jardins 

Sest arrêtée la lune, qui désigne,

Sereines, les montagnes... 

inversione, questa «serena ogni montagna», che mi sembra accentuare la stabilità, limmobilità della linea dellorizzonte nel suo placido respiro. Qui, in questo mondo del solo sguardo, nessun concetto, pare, è portatore didee: nientaltro che parole designanti cose. Eppure un pensiero c’è, implicito, ed è essenziale prenderne coscienza. In un momento di penetrante attenzione al mondo visibile, è la bellezza del mondo stesso che è apparsa, e, con la bellezza – quasi detta con queste parole: «dolce», «queta», «serena» – è come se una promessa di felicità o almeno di pace salisse dalla terra o addirittura cadesse dal cielo, attraverso la grazia di una luna che pare desiderosa di sostare in questo paese. 

Subito dopo, nel sublime poema, si lancia un grido di dolore, la natura è accusata di essere la tomba della speranza, la sua bellezza non è più nulla se non lenigma contro il quale si scontra lo spirito con un immenso sconforto. Conclusione? Queste parole, «dolce», «chiara», «queta», «serena» non sono più, ora, semplici tocchi nellopera di un pittore paesaggista, ma delle nozioni esse stesse enigmatiche, di fronte alle quali lo spirito ha il dovere di conoscere i suoi limiti. Ed il significato di ciascuno di questi aggettivi, che non sono stati certo scelti a caso, deve essere scrutato sin dallinizio. Il significato, che sembrava assente in questi versi, è invece molto attivo, e vi dimora già come una riflessione: quella di un giovane essere sofferente che si posa sulla sua esistenza, ed il fatto di vivere in prima persona le questioni più angosciose. 

Il significato è dunque presente in poesia, e persino in forma più complessa di molte opere «in prosa»; vi sono ragionamenti del desiderio o dellemozione che, quanto a logica e ampiezza di vedute, non valgono meno di quelli del pensiero analitico delle scienze umane o naturali. E queste idee, questi ragionamenti, si devono naturalmente tradurre: uno dei molteplici modi di essere un cattivo traduttore è infatti quello di credere che le opere poetiche non siano altro che montaggi di parole, di cui possiamo limitarci a calcare la figura superficiale, dato che non avrebbero nulla di serio da dire. Conosco molte di queste traduzioni di semplice apparenza, che screditano la poesia. 

Ma il fatto di constatare questa evidenza non basta, dal momento che ciò non significa ancora aver deciso qual è il ruolo della significazione nelloperazione poetica, né aver preso coscienza della sua funzione, che è forse ben altro e molto di più della comunicazione di un pensiero. I significati che si intrecciano in un componimento sono dunque ciò che vi è di più chiaro in poesia, e ciò che il traduttore deve restituire come assoluta priorità? Oppure tutti insieme, questi significati, costituiscono nello spazio del poetico un solo livello, il quale potrebbe a sua volta manifestarsi come un atto contrapposto, autonomo della coscienza? 

Bisogna senzaltro porsi la questione, che io non trovo invece molto presente nelle riflessioni attuali sulla poesia. E per formularla secondo la prospettiva che io credo giusta, mi sembra corretto definire adesso cos’è la poesia, la poesia come tale: certamente ben altro che un semplice aspetto del discorso. 

 

III

Definire la poesia! Bisogna proprio farlo, penserete. 

Lo si è fatto così spesso, con pochi risultati apprezzabili. Eppure, ci si dovrebbe forse domandare se questa impresa, senzaltro concettuale, non sia votata a tradire una parola che invece non lo è. Ma io non ho questo timore, e tento di rendervi partecipi di unidea della poesia. 

Lo farò a partire da unesperienza vissuta, e addirittura vissuta in un quotidiano che appartiene a tutti, a prescindere da ogni pensiero sulla poesia e da ogni progetto di scrittura. Unesperienza che spesso accade, del resto, durante linfanzia: momenti in cui qualche cosa, o qualcuno, è lì, davanti a noi, e improvvisamente vi scorgiamo quella che io chiamerò «una presenza», ovvero una densità del loro esserci, unintensità della loro manifestazione, che trascendono con unevidenza assoluta, irrefutabile, il nostro probabile desiderio di ridurre queste cose o queste persone ad un pensiero di ciò che esse sono. 

Questa cosa – termine così povero, in una tale circostanza – può essere la cima di una montagna, apparsa dietro gli alberi, o una grande quercia isolata, in una radura, o una sorgente in un fossato oppure, semplicemente, il rumore, il debolissimo rumore, di questa stessa sorgente. Questa persona, può essere invece uno sconosciuto scorto da lontano, controluce, ma anche qualcuno dei nostri cari, visto come non lo avevamo mai visto fino a questo momento. Ciò che allora emana dagli uni, come dagli altri, è levidenza di uninteriorità, di ununità; e queste non potranno lasciarsi ridurre alla somma degli aspetti che il pensiero concettuale, secondo il suo modo di procedere, può abbracciare. 

Il concetto, in verità, è ciò che isola un aspetto nelloggetto, gli dà un nome, e attraverso il nome immette questo aspetto in una relazione con altri nomi, che è appunto il significato come tale. In tal modo la realtà esistente è abolita, cancellata dalla nostra coscienza; non esiste infatti nulla che non sia trascendente a ciascuno dei suoi aspetti ed anche alla somma di questi. Di ciò che è, con il concetto, non si conserva che unimmagine. Nellistante di presenza, in quellistante sorprendente, lessere o la cosa nominati si sono invece sgravati della loro immagine. E la realtà tutta intera appare sotto unaltra luce, perché allora constatiamo che gli aspetti sono in numero infinito nella più infima cosa, ma soprattutto che vi si trovano tutti insieme, avviluppati, ed attirano lo sguardo, prima del pensiero. La cosa è lì, sotto i nostri occhi, nel suo «qui» e nel suo «ora»; niente può prenderne il posto, essa è il carattere dellassoluto - ed è un assoluto che ricade su noi stessi, che in quellistante la guardiamo. Da una parte comprendiamo di essere, come lei, un «qui» e un «ora»: quel che «non si vedrà mai due volte», come ha scritto un poeta. E, daltra parte, in questa stessa finitezza, in questo non-essere, sentiamo di far corpo con il mondo, di esistere quanto lui e in lui. Donde lemozione che ci sommerge in questi istanti di presenza. Eravamo un enigma, eccoci oramai unevidenza. 

Mi sono abbastanza attardato a descrivere questa esperienza. Ma solo perché essa è, ai miei occhi, di unimportanza fondamentale. La vedo come il luogo, nello spirito, da cui molte vie si dipartono, ed una di queste è la poesia. 

La prima di queste vie? Quella che imboccano i mistici i quali, dopo listante di presenza, vogliono evitare di ricadere nel discorso concettuale, temendo che questo cancelli il ricordo dellavvenimento appena accaduto; e, siccome non c’è parola nella lingua che non sia portatrice di concetti, cercano di affrancarsi dal linguaggio, di tacere nel modo più radicale possibile. 

Ma vi è un ostacolo, su questa via: se si rinuncia alluso della parola si rinuncia anche al rapporto con le altre persone, in un mondo che non ha forma se non attraverso il linguaggio. Possiamo certo non tollerare questa rinuncia, e si tratterà allora di situarsi in un modo dessere ambiguo, che chiamerò la poesia. La memoria resta, almeno parzialmente, dellesperienza prima; i concetti tuttavia sono rimasti là, nelle nostre parole – nella nostra parola – e dunque bisogna ritorcere le parole stesse contro le nozioni che ne richiedono luso. Una coscienza duale, che sta tra il relativo e lassoluto, tra la frammentazione e lunità. Unimpresa che può sembrare contraddittoria. Ma è una ricerca che può nondimeno cominciare, ed anche essere spinta piuttosto lontano. 

 

IV
Il fatto è che il linguaggio presenta una particolarità rilevante. Ossia che le parole – così è – sono portatrici di concetti che assicurano il significato, ma sono anche una materia, alloccorrenza un suono: quello dei fonemi quando li pronunciamo ad alta voce. E que- sto suono, che è anchesso fino ad un certo punto un significato, permette di diversificare le parole – di distinguere tra «livre» e «lèvre» – e fornisce le allitterazioni che sottolineano dei pensieri oppure imitano delle percezioni. Così, quando Lamartine scrive che il «rossignol senfuit en sifflant», compone un gran brutto verso, ma anche un bellesempio di captazione del suono attraverso il senso. Tuttavia, un altro ascolto del suono delle parole è possibile. Si può intendere il suono indipendentemente da ogni senso, sentirlo nella parola come si vede una pietra sul sentiero: priva di senso, muta, ritirata nel suo in-sé impenetrato e impenetrabile. Si compie allora anche con questo suono – con il suono nascosto sotto il senso – unesperienza dellimmediatezza. E là, davanti a noi, al di là di ogni significato concepibile, allo stesso modo della pietra bruta. 

 

Vi è nel suono, tuttavia, qualcosa che non è nella pietra. Ossia che lessere parlante che noi siamo può far corpo con lui senza che debba cessare di essere quel fuori, quellimmediatezza assoluta. Un blocco di pietra può presentare in superficie del rosso, del marrone, del blu e resta, nondimeno, la pietra priva di senso nella quale viene a inciampare lo spirito. Allo stesso modo, il suono vocale ha una diversità percettibile, quella delle vocali e delle consonanti. Ma il colore della pietra ci resta estraneo, mentre la varietà dei suoni può accogliere la nostra voce. Attraverso le possibili ripetizioni di questo o quel dato sonoro, attraverso delle allitterazioni che vi si configurano, ossia dei veri e propri ritmi, la voce può giungere ad abitare il suono nello spazio stesso delle parole. Dunque, che cos’è la voce? Lespressione del nostro pensiero? No, è piuttosto la presenza, sotto di esso, di un corpo tanto immediato quanto quel suono o quel blocco di pietra, per il fatto di essere richiamato dal bisogno di essere o di avere, che lo fanno esistere al di qua delle generalità del concetto. Il suono e la voce si uniscono al di sotto del concetto. Ne risulta che la nostra intuizione di presenza può vivere lì, benché tra i significati. Essa può presentarsi al loro tavolo, per denunciarne lautorità. 

E poi? Se i concetti, i significati, non controllano più il nostro sguardo, le cose possono presentarsi come nellistante fondatore della poesia; diciamo, più modestamente, che si presentano come quando, ad esempio, ci mettiamo silenziosamente sotto gli alberi, al confine di un bosco. Le cose hanno ritrovato la loro immediatezza, la loro unità, in quella stessa parola che le aveva abolite. E la poesia, è questo stesso ricorso al suono per ritrovare la propria memoria della presenza, e la sua storia lo dimostra, confondendosi con quella dei metri, dei versi, delle rime, di tutto quel che fa emergere, nel ritmo e nella musica, il dispiegamento del suono contro quello del significato. 

Mi preme tuttavia dire che questa conquista è sempre provvisoria. Anche il corpo è penetrato dai concetti, i desideri stessi vi si accordano, per portare avanti le loro azioni o i loro sogni. Anche la vita ordinaria reclama la sua presenza in poesia, e i significati sono dunque sempre là, con la loro consuetudine: mettere a distanza la finitezza, e reprimerne la conoscenza. Lattestazione della presenza nella parola, presupposto di piena poesia, non dura che un istante, e la poesia tal quale si rivela è, in realtà, più un bisogno di liberazione, che una liberazione vera e propria: unostinazione nel ritrovarla quando essa non è che un ricordo di cui si giunge perfino a dubitare. La poesia, è cercare più che trovare, forse essa è addirittura più vera quando cerca, con trasporto, che quando trova; non senza illudersi, talvolta. E la definirò, nel suo insieme, unattività. Non un testo, dacché lessenziale è fuori dalla poesia, è nel vissuto. Non uno stato di coscienza, perché le sue gioie sono così instabili e fugaci, bensì unattività, nella quale svolgeranno il loro ruolo contraddittorio la nostra alienazione attraverso le parole e il nostro bisogno di accedere allessere. 

 

 

V

Ho dedicato tanto tempo a definire la poesia, quando dovrei invece parlare della sua traduzione, eppure lho definita in modo fin troppo succinto. Ma queste indicazioni mi permettono di ritornare al significato in poesia, e di mostrare chesso nasconde uninsidia che rischia di essere fatale al traduttore. 

Di significati, espliciti o impliciti, voluti o subiti, semplici o complessi, se ne trovano ovunque in poesia, come ho già sottolineato; e sono spesso della più grande importanza. Ma ciò che noi vediamo adesso, è che essi costituiscono quasi un impedimento alla poesia stessa, la quale ci appare come il rinnegamento del concetto a vantaggio di unintuizione di presenza, di uno sguardo sullimmediato e sulla finitezza, mentre i significati sono il concetto stesso, ovvero la mediazione, la generalizzazione, loblio del tempo, della morte. Il significato è necessario alla poesia, perché questa è pure un fatto sociale, una parola rivolta ad altri es- seri. Ma esso è anche ciò che lacceca, e il progetto poetico non può, dunque, che denunciarlo mentre lo impiega, in unazione dialettica che attraversa le sue parole e ne aggiusta la mira. - Allora, che cosa potrà fare il traduttore? Come potrà rivivere ciò che non è formulazione ma conflitto? Ciò che non è un testo, ma il movimento che lo ha prodotto, e che vale soltanto per le tracce lasciate dalla sua speranza delusa? 

Di questi significati, tuttavia, bisogna che il traduttore se ne occupi e poche parole bastano a ricordare i pochi mezzi che egli ha, per comprenderli e restituirli. Infatti, ad esempio, i concetti che li costituiscono non si ritrovano mai completamente identici nella lingua che usa: questi scarti, per quanto minimi possano apparire in prosa, bastano per disorientare, in poesia, il pensiero ed il sentimento. 

Degli esempi? «Speech», in inglese – o «speechact»! – sono evidentemente travalicati dalla nostra «parola»; una nozione che in francese è radicata nella vita di tutti i giorni, con le sue emozioni, i suoi sogni, le sue speranze. «Obvious» sarà «évident», ma come un ragionamento può esserlo; e neanche la nostra «évidence» francese, che è lauto-proclamazione dellidentità a se stessa di una cosa, ha un equivalente in inglese. Come dire in inglese, con una sola parola simile, «l’évidence» di un grande momento della vita, o semplice- mente dello splendore del cielo serale? E nella lingua di Keats ma anche in quella di Locke o di Hume non sono solo i concetti ad essere diversi dagli idiomi di matrice latina, è la concettualizzazione come tale che si situa in altro modo nella coscienza. I concetti in inglese immaginano meno dei nostri di esprimere direttamente la natura intima – lessenza – degli avvenimenti o delle cose, e preferiscono prenderli dal di fuori; per questo hanno maggior vocazione allempirismo nelle scienze. 

E pensiamo anche alle contaminazioni dei concetti da parte del loro contesto linguistico o culturale, o climatico. Come «spring» in inglese, la primavera, una parola che può farsi concetto quando si tratta di comprendere le necessità della vita, le epoche dellesistenza, i sentimenti, o il divenire delle culture. Lidea della primavera è senzaltro importante ovunque nel mondo. Il termine italiano «primavera» suscita, anchesso, molte emozioni, ed anche il nostro povero «printemps», così poco evocativo, è ben accolto tra i poeti. Ma come rivaleggiare con «spring», che significa anche «sorgente»? E, tra sorgente e primavera, sta la presenza attiva di un verbo, «to spring», a dire la loro origine comune, mentre dicendo si dispiega quello stesso sgorgare e la brusca irruzione di ciò che è nascosto? «Spring», «springtime», così importanti e oltretutto così dominanti nella poesia inglese: come in epoca elisabettiana, quando le feste di maggio ed altri riti e danze della religiosità popolare erano ancora vivi. Tradurre «spring» o «springtime» con «printemps», è come perdere molte canzoni del rinascimento inglese o del folklore irlandese. 

E se per caso il traduttore si mette ad ascoltare, in queste canzoni, suoni e ritmi, altre difficoltà si presentano, delle quali, mi pare, non si è abbastanza preso atto. In questo ambito dei suoni, che sono sempre in stretto rapporto con il senso, non vi è nessuna possibilità di trasposizione reale da una lingua a unaltra: soltanto vaghe somiglianze, che ingannano chi non sa né ascoltare né comprendere. 

Dicendo questo, penso al Corvo, il celebre componimento di Edgar Poe. È chiaro che questa meditazione sul nulla ha per esperienza originaria due o tre suoni; Poe sentiva ripercuotersi nei versi come degli echi in stanze vuote, a suggerire un mondo dove non c’è altro che la morte, lassenza, il nulla. Al primo posto, tra questi suoni, c’è «ore», così bello, tra laltro, e così ben collocato in questa poesia a favorirne lintuizione; giacché è «ore» che risuona nella porta, percossa da una presenza sconosciuta, the chamber door, o che evoca vecchie credenze enigmatiche, quelle dei volumes of forgotten lore, o che chiama tutte le vite a al terrore della notte - è allora the Night s Plutonian shore; e che, soprattutto, risuona nella parola Nevermore, «mai più», fatidicamente ripetuta. E intorno a questo suono, «ore», che tutto si gioca, ma cosa se ne po- trà ricavare nella traduzione del Corvo? Dovremmo, anche in francese, ricorrere a dei suoni in ore, se per caso se ne trovassero in parole che si prestano alle stesse evocazioni? 

Ebbene, il Francese che fu più incantato dal Corvo, un poeta grande almeno quanto Poe, Mallarmé, notò il suono «ore» e lo adottò anche lui, nel suo non meno celebre «sonetto in -yx». Questo sonetto è notturno e penetrato dal pensiero del nulla quanto il componimento americano, che ne fu del resto la causa prima; e si potrebbe dunque ritenere che le rime in «ore» producano nel «sonetto in -yx» gli stessi effetti che in Edgar Poe. 

Ma non è affatto così! Le rime in «ore» in Mallarmé sono: "lampadophore”, una parola pressoché inventata, di nessuna risonanza affettiva, amphore”, "sonore”, che fanno piuttosto pensare alla Grecia antica e alla sua luce, e infine la forma verbale "shonore”: nulla dunque che suggerisca una qualche idea funebre, o sepolcrale. E nelle terzine, subito dopo questi primi occorrimenti, il suono «ore», che non scompare, si racchiude in «or» per altre quattro rime; centrate, queste, sullidea delloro, il metallo sterile, e su quella del "septuor”, forma pura: ossia su un intelletto per il quale la realtà è fatta di essenze, di strutture intelligibili. Esatta- mente il contrario delle associazioni vaghe e tenebrose sorte dallinconscio del poeta americano. Il suono che, in questultimo, apriva allignoto, suscitando limpressione di uninquietante estraneità – angoscia metafisica, terrore – diviene in Mallarmé ciò che nega ogni miraggio, ciò che tenta di cauterizzare linquietudine suscitata dal Corvo. Mallarmé ha percepito che i suoni non si espatriano. E quando tradurrà le poesie di Edgar Poe, riterrà sensato rinunciare allapporto dei suoni e dei ritmi. Tradurrà Poe in prosa. 

E, daltra parte, come avrebbe potuto Mallarmé fare dei ritmi un mezzo della sua traduzione, essendo il francese una lingua poco accentuata, dove la forma è creata in poesia – così è stato almeno per lungo tempo – attraverso il conto delle sillabe? Mentre linglese, che ha gli accenti molto distintamente marcati, permette il giambo, sillaba breve seguita da una lunga, che reca laccento: una sorta di passo, di decisa avanzata, che permette una relazione diretta, questa volta, con lesperienza del tempo, non quello degli orologi, ma della vita. La poesia in francese va dallatemporalità verso il tempo; quella inglese nasce nel tempo esistenziale e lì dimora. 

Insomma, quanti impedimenti, ad ogni livello di significato, ed ora la difficoltà fondamentale: quella di dover trattare lo stesso significato, ben tradotto o meno, come lostacolo che il poeta ha dovuto sormontare nei suoi versi per accedere alla poesia! Siamo sul punto di domandarci se la traduzione della poesia è possibile; se vale la pena di intraprenderla. 

 

VI

Ma smetto adesso di pensare alla poesia o al poeta per prendere in considerazione il lettore, terzo termine dellevento poetico. 

Essere un lettore, un vero lettore, che cosa significa? Aver vissuto, come il poeta stesso, uno di quei momenti che ci permisero di vedere in modo diverso rispetto agli stati ordinari della coscienza. Dopo di che, come sempre accade al poeta, si è compreso che il pensiero concettuale era un impoverimento dello sguardo e si è sognata una parola più piena. Il lettore assiste, nelle poesie che legge, a questa trasgressione della concettualità che ha auspicato. Egli non è la causa di tale trasgressione, può persino temere di non avere, per quanto lo riguarda, lenergia per assolvere questo compito, ma è in ogni caso in grado di seguirne il movimento, di riconoscerne i progressi e i cedimenti, di condividerne la speranza; e ciò, molto in profondità. Infatti, lopera è stata da principio lascolto di un suono, ladesione ad un ritmo, limplicazione della voce nella parola. E anche lui, il lettore, ha un corpo, una voce. É a mezza voce, più che con i suoi occhi, che legge. Il che garantisce daltra parte un sovrappiù dintimità con la voce stessa. Si può pensare che il pensiero del poeta si conceda al lettore, dacché è nel testo stesso, e non prima di esso, che il pensiero vive le sue speranze, mentre constata e medita le sue sconfitte. Lopera è il diario di un rapporto con il proprio sé, anche quando tenta di non esserlo. Il poeta vi confessa ciò che nella sua vita, al di fuori dellopera, nasconderebbe agli altri o in ogni caso non arriverebbe a dire. 

Il lettore ha accesso al pensiero, diciamo pure allessere, dellautore, e ciò è eccezionale nel rapporto tra le persone. Noi ci tratteniamo, infatti: davanti a noi stessi così come davanti agli altri. E se diversamente accade nel rapporto damore, tutto resta molto ambiguo e fragile. Lamore è, e in ogni caso dovrebbe essere, il riconoscimento dellaltro nellassoluto del suo hic et nunc; ed è dunque anche il desiderio di essere, a se stessi, una vera presenza, aperta a delle intuizioni abitualmente represse. Ma lessere che ama è spesso prigioniero di unidea di sé che si proietta sulloggetto damore, sostituendovi unimmagine. E questo altro, non è forse altrettanto portato a chiudersi nelle sue parole, di cui è il solo a possedere la chiave? Per scongiurare questi malintesi lamore ha bisogno di unintensità che è rara quanto i grandi momenti della poesia. 

Ed ecco quel che conferisce allora al lettore uno statuto singolare nel rapporto sociale: egli è - o almeno può essere - colui che, andando verso laltro, e prestandosi a delle parole che questo altro aveva scritte allora senza un interlocutore, comprende il bisogno di scambio, lo assume, ed assicura così ad un essere, lo scrittore, il poeta, quella presenza piena che lintuizione poetica ha incontrato, più brevemente, nel mondo. Il lettore traspone ad un rapporto di parola lavvenimento che aveva colto di sorpresa il linguaggio. Dopo il suono nella parola, egli è la seconda opportunità del poeta, che lo previene, e che lo chiama – «hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère»– nel campo della sua scrittura: a volte, purtroppo, per tentare di soffocarne le esigenze. 

Ma non è stato detto tutto da tale punto di vista che è, in definitiva, quello della circolazione del poetico in un rapporto sociale per il quale il poeta ha rinunciato a farsi mistico. 

Resta il fatto che se il lettore può così partecipare alla ricerca tentata dal poeta a partire da unesperienza primaria che entrambi hanno avuto, egli è, quanto il poeta stesso, incapace di sentirla come essa merita: ovvero con i mezzi di intensificazione e di verifica che gli procurerebbe la sua facoltà poetica se egli la esercitasse come forse potrebbe e fin dove sarebbe necessario, nel contesto della sua stessa vita. Il pieno ascolto esige la consapevolezza della nostra identità, ad un livello profondo in cui è stato ripreso contatto con il sentimento della finitezza. E perché questo avvenga bisogna impegnarsi in un lavoro di scrittura – di rimessa in gioco di sé attraverso lascolto delle parole, il risveglio della voce, e la parola restituita allintuizione di presenza nella vita più personale – che questo momento di semplice lettura non permette. 

Ne consegue, daltra parte, che per quanto il lettore sia consapevole di quella poesia e percepisca la volontà che vi sottende, si ritroverà subito, dopo la lettura, dentro al suo codice abituale, nel quale la concettualità predomina, e non potrà pensare allopera letta, o renderne partecipi gli altri, se non come fanno i critici: già cala, sullesperienza prima, quello sguardo che le fa correre il rischio dì essere percepita dal di fuori, di diventare oggetto danalisi. Questo lettore divenuto critico va ad interessarsi, diciamo, alle idee del poeta invece di restare allinterno delle sue parole. 

 

VII

Sì, ma perché queste osservazioni, sul lettore della poesia? Perché esse ci conducono al cuore del nostro problema, quello della traduzione. 

Immaginiamo, infatti, che questo lettore si trovi in presenza di un testo scritto in una lingua straniera; e che si proponga di offrirne una traduzione che preservi il suo carattere poetico. Si verificherà una situazione di incontro, al tempo stesso intima e limitata, analoga a quella che ho appena descritto nel caso di un lettore che parla la stessa lingua del poeta, o che non pensa affatto di tradurlo? 

No, assolutamente no. Lostacolo che impediva la piena lettura, infatti, è scomparso, o per lo meno potrebbe sparire. Decidendo di tradurre la poesia, la poesia come tale, il lettore in questione – colui che sa che cos’è la poesia – ha di certo in mente limportanza del suono e dei ritmi, e dunque il ruolo fondamentale della scrittura. Sa che la poesia è un atto, e che quello si deve tradurre. Ed ha dunque compreso che ciò sarà possibile solo laddove egli stesso, cessando di essere un ricettore passivo e votato alla sola comprensione intellettuale, prenderà in mano la propria esistenza: in una scrittura che adesso è la sua, mentre a quella del poeta che intende tradurre spetterà il ruolo di visitatore accolto, di guida. Il traduttore della poesia deve es- sere un poeta, con gli stessi obblighi verso se stesso dellautore. E proprio per questo che egli non è il lettore ordinario, colui che non pensa a tradurre. E altro. Di più? Diciamo che si prefigge un compito più esigente. 

Intendiamoci, però. Sono ben lontano dal pensare che un rapporto necessariamente profondo si stia stabilendo, tra questo traduttore che si vuole poeta, e lautore, per il semplice fatto che sia stata presa una tale decisione. Il traduttore ha evidentemente dei limiti, nella sua capacità di poeta, che si rivelano ben presto, dopo il primo istante. Daltronde egli si scontrerà, anche a questo livello di scrittura, con le disparità che esistono tra le lingue, il che può impedirgli di comprendere il testo originale, meno nella sua letteralità che come occasione di simpatia, di complicità. Lopera può avere, in questo stato di ascolto più interiore, di che respingerlo, scoraggiarlo. Ma non è questo il problema. 

Quel che importa, infatti, dal punto di vista che cerco di sostenere, è questa intimità accresciuta, che sia o meno a rischio di malintesi o fallimenti. Essa permette infatti una presa di coscienza che in nessun altro modo è garantita nella comunità dei poeti; uno sguardo sui fondamenti dellatto poetico sufficiente a conferire a questa impresa, la traduzione poetica, sotto molti aspetti così deludente, un valore ed unimportanza considerevoli che potrebbero addirittura, un domani, diventarlo ancora di più. 

Perché tutto questo, qual è lapporto specifico della traduzione che vuol essere dun tratto scrittura; dun tratto ricerca di poesia? Osserviamo, per cominciare, il luogo in cui si stabilisce – chiunque sia il traduttore – la relazione tra chi traduce e ciò che traduce. Un traduttore, è colui che deve leggere come di solito non si fa. Deve applicarsi ad ogni dettaglio, sia esso una metafora oscura, o un passaggio non curato, corrotto; non abbandonerà questo enigma finché non lo avrà chiarito; e per far questo consulterà lessici specifici ed edizioni critiche, ascolterà qui o altrove lopinione del maggior numero possibile di esegeti, interrogherà gli amici. Un traduttore, in altri termini, si arresta sempre, o torna indietro. E, a volte, lo fa la notte come il giorno, in mezzo ad altre occupazioni; donde laffezione, spesso, per questopera vissuta a lui così vicina, ed il desiderio di restare in sua compagnia: sono molti coloro che lo fanno fino allultimo giorno della loro esistenza. 

E se il traduttore è poeta, ossia condotto, dentro lopera, alla sua idea di poesia, desideroso di penetrarne il segreto, quale sovrappiù dascolto queste forme concrete del suo lavoro gli garantiranno! Questo è un evento della sua vita più quotidiana, la quale diventa naturalmente la fonte delle sue decisioni più essenziali, dove la sua finitezza stessa è in azione. E la lettura dellaltro si unisce dunque alla lettura di sé, in un piano in cui si rivela al meglio quel che in una vita di poeta sostiene e definisce le scelte di scrittura. Lautore può essere presente al suo interprete a tutti i livelli della sua vita, anche i meno eroici. I significanti delle sue poesie, che avrebbero potuto rimanere inespressi, si chiariscono. Ciò non può che facilitare la presa di coscienza che io considero fondamentale. 

E come caratterizzare questultima? In poche parole: quello che ho a più riprese indicato come ostacolo alla traduzione di opere poetiche – ossia i concetti della lingua in cui esse sono scritte, il modo con cui si rapportano alla realtà, le loro reciproche relazioni, il tutto essendo estraneo alla lingua del traduttore –, si rivela essere la sua grande opportunità. Le differenze scoraggianti, dal punto di vista dellopera che si deve produrre come riflesso presunto delloriginale, divengono delle occasioni di pensiero ed anche di maturazione poetica. Ma perché? Perché di fatto la compa- razione tra le strutture concettuali di due lingue, o di altre ancora, se diretta a buon fine, è ciò che permette di smontare gli artifici del pensiero concettuale stesso. Infatti, le pretese di assoluto di questultimo, quanto a conoscenza della vita, non possono che crollare quando una lingua viene a testimoniare che quelle stesse strutture sono soltanto abitudini dellaltra lingua. Ecco, insomma, lutile sostegno della traduzione: la conferma poetica che i sistemi di rappresentazione concettuali non sono altro che dei mondi-immagini, nei quali si è dileguata la pienezza dellessere. La traduzione non è altro che la resa incerta di una poesia? No, essa è loccasione di pensare alla poesia, di comprenderne il percorso, di indicarne la necessità, di lavorare alla sua rinascita, laddove questa necessità rischiava di essere dimenticata. Essa può recare questa testimonianza e indicare questo percorso in modo convincente, perché è in una scrittura di poeta, attraverso unesistenza, chessa avrà acquisito quei pensieri, e non per semplice filosofare. 

 

VIII

Dovrei spiegarmi meglio, sulle situazioni in cui la traduzione feconda lanalisi delle differenze? Certamente, e fare subito anche qualche esempio. Seguire, dunque, qualche traduttore, magari francese, quando constata che la strada da lui presa spontaneamente, si vede messa in discussione, rifiutata, da un grande poeta; il che obbliga ad interrogarsi sul senso della vita, sul modo di essere, ed a volte a spingersi lontano, nel proprio pensiero e nella propria scrittura, con una riflessione su di sé e sul mondo. Traducendo Shakespeare ho dovuto, per quanto mi riguarda, affrontare la questione dellaccettazione, da parte dellautore di Amleto, di immagini quanto mai triviali nel corpo stesso della parola tragica, il che rivela un rapporto tra concettualizzazione e il mondo completamente diverso da quello del teatro di Racine, ed anche da quello di Victor Hugo o di Claudel: ciò ha significato mettere in discussione molte cose a partire dalla mia interpretazione del classicismo; essere costretto a confessare i suoi torti, rivedendo perfino alcuni aspetti della mia stessa vita. Altri casi di simili contrasti tra modi dessere, cui seguono certe decisioni, potrei e dovrei menzionarli; sono numerosi nella storia della traduzione, così come nella mia esperienza: ma il tempo, oggi, mi manca. 

Perciò, sarò più rapido, con due osservazioni sulle conseguenze che si debbono trarre da questo apporto della traduzione, nel contesto del pensiero della nostra epoca. Da una parte, per il fatto che lepoca è quella che è, un misconoscimento piuttosto generale dellatto poetico, non ci sarà mai troppa riflessione, neanche da parte del traduttore che ne è capace. Sicuramente, egli deve in primo luogo essere se stesso, nel senso più concreto del termine, e al centro dei fatti della sua stessa vita; è del resto il solo modo possibile, come ho detto, di volgersi, mediante la scrittura, verso la comprensione del fatto poetico dentro allopera che si ascolta. Ma il bisogno della poesia moderna non è quello di esplorare una soggettività quanto quello di porre la questione della presenza, poiché essa è la sola oggi a poterlo fare, ai margini di religioni saturate dai loro miti. E dunque dovere dei poeti osservare e dire quanto più precisamente e compiutamente possibile il luogo e i percorsi del loro atto poetico. Ed anche il traduttore, poeta nella sua traduzione, deve spingersi altrettanto lontano nellesame di un lavoro che è loggetto della sua stessa officina nonché lespressione della sua affezione per unopera. Ogni traduzione è un pensiero, che dovrebbe essere esplicitato ai margini della scrittura propriamente detta. 

Laltra osservazione: non bisognerà aspettarsi dalla traduzione, viceversa, quel che essa non può dare. Innanzitutto, la fedeltà letterale. Se per comprendere una poesia il traduttore deve fare i conti con la persona chegli stesso è, questa interferirà con il testo della poesia stessa e ciò creerà dei gorghi di senso, ma la ricerca ha una stessa mira nei due testi e si può essere certi che ciò che conta nellopera sarà stato riconosciuto, e in profondità, al termine del lavoro. Nessuna disinvoltura: ma una sola, autentica, serietà. E non si dimentichi neppure come la poesia si fa intendere. Non ad una lettura saggia, quella che va dalla prima allultima parola di un libro, ma a quella di versi isolati, di immagini che spiccano sulla pagina, che abbagliano: e di un vocabolario che spesso sconcerta senza che se ne comprenda il senso. La poesia non è tanto un testo quanto una materia che irradia la sua luce. Ed è con una materia analoga che il traduttore deve rispondere alle aspettative del suo paese e della sua epoca. 

Daltra parte, si farà in modo che tali aspettative non costituiscano un programma, uno scadenzario. I traduttori, impegnandosi ad essere poeti, saranno altrettanto imprevedibili e poco numerosi quanto lo sono i poeti. E dunque ci si dovrà rassegnare a non vedere una certa grande opera tradotta al momento in cui lo si vorrebbe, da parte di un certo traduttore. Si dovranno invece prevedere, accanto a delle traduzioni-poesie, degli approcci di metodo che troveranno la loro qualità, la loro grandezza, nel far tesoro di tutto ciò che nellopera costituisce il materiale del poetico: lavorare insomma sul significato come tale, affrancandolo dagli enigmi che i dizionari, o qualche avvenimento di quel momento storico, gli accollano dallesterno. Queste traduzioni scientifiche, e ne conosco alcune ammirevoli, sono sicuramente necessarie per svariati bisogni dello spirito. Bisognerebbe soltanto che esse accentuassero il loro valore esplicativo con un apparato di introduzioni e di note, il quale costituirebbe il perfetto complemento delle traduzioni immediatamente poetiche. Tanto più che tra le prime e le seconde, tra fatti di lingua e verità di parola, si potrebbe anche auspicare una relazione veramente dialettica. 

IX

Al principio di queste riflessioni, ho forse lasciato intendere che il traduttore della poesia debba subire la lingua del testo originale nella misura stessa in cui lama. Tante sono le difficoltà che gli derivano dalle differenze tra questa lingua e la sua, nel punto in cui la poesia si cerca! Ma posso forse fermarmi a questo pensiero? Certamente no. In primo luogo, ho appena detto che queste difficoltà sono di fatto unopportunità. Benché esse privino il traduttore della letteralità del testo, gli aprono la strada ad un pensiero della poesia.

E gli offrono ben altro. Immaginiamo, infatti, che vi sia una sola lingua: come «prima di Babele», se vogliamo usare questa metafora. Una unica struttura concettuale regnerebbe allora senza riserve nelle menti umane, con funesti risultati. Dal concetto formulato risulterebbe loblio della finitezza e della sua coscienza esistenziale, la reificazione dellaltro e di ogni cosa, la smania di avere, di possedere, lorgoglio di averlo fatto o di essere in grado di farlo: un totalitarismo, immanente a ciascuno, e tutti in una società priva di speranza. Tanto meglio, dunque, se vi sono lingue diverse. Prendendo atto delle differenze si può infatti sperare di accedere un giorno ad una coscienza dellaltro che non sia teorica: il che farebbe di ogni proposta di scambio o di alleanza qualcosa che esula dalle ideologie o dai dogmi. 

Quanti conflitti, però, in questo mondo delle differenze così come ci è stato dato! Quante assurdità e quanta violenza! Non è forse necessario che unazione si compia, per poterci opporre a delle forze che producono incessantemente migliaia di sistemi chiusi? A questo punto ricompare il miraggio di una lingua originale, che tanti animi ha tormentato attraverso i secoli. Che valga la pena di prenderlo in considerazione, è da escludere. I nostri più remoti antenati, nei loro rifugi precari, non parlavano una lingua voluta da Dio, adeguata ad un mondo che costui avrebbe creato. Tuttavia, è un dato di fatto che il linguaggio si è attestato come il luogo dellumanità sulla terra, con grandi presenze ivi riposte: montagne, alberi, pane, vino, che hanno permesso e potrebbero ancora permettere un rapporto di armoniosa intimità tra la persona ed il suo universo. Se dunque non c’è una lingua prima, si può trovare senso e valore nellidea di unintelligibilità che si costituirebbe attraverso grandi presenze della terra, e dei loro nomi: un verbo, oserei dire, potenzialmente universale. E si può senzaltro preservare questo te-oro, se ha qualche possibilità di esistere, facendo in modo che si adatti ai mutamenti della società, ossia implicandolo in una parola che sia poetica. 

Sussiste il fatto che il pensiero concettuale, dominante nelle nostre riflessioni, non aiuta affatto a distinguere i «vivants piliers»nel disordine del mondo. E affinché questa intelligibilità abbia luogo e si conservi come un filone unico sotteso alle lingue rimaste diverse, non è forse necessario in ciascuna di esse il lavoro della poesia, ma anche e soprattutto quello della sua traduzione: di una traduzione poetica che sperimenta la disparità degli idiomi là dove il pensiero concettuale stesso la istituisce e la aggrava? Il presentimento di un nuovo «compito del traduttore», riprendo un titolo famoso, è ciò che spiega, a mio vedere, lagitazione degli animi che ricordavo allinizio di queste riflessioni. Il nostro tempo comincia a comprendere che la traduzione della poesia ha il dovere di indicare il cammino dell’«authentique séjour terrestre». Autentico perché alleggerito dai miti che impedivano di vedere ciò che è nella sua finitezza – nella sua pienezza – essenziale. 

 

X

Ma ancora una parola, in conclusione, sulla motivazione che può sostenere un progetto così ambizioso. Per quanto importante sia il «compito del traduttore», infatti, niente di tutto questo può spiegare a sufficienza la ragione che incita qualcuno a dedicargli il proprio lavoro ed a volte la vita intera. Una cosa è leggere le opere dei poeti, o anche volerle tradurre; unaltra è fare di questa traduzione una forma di creazione poetica ed una riflessione sul divenire della poesia. Perché questa scelta? Chi può desiderare queste difficoltà, queste frustrazioni, quandanche fossero fruttuose? O piuttosto, perché esiste questo desiderio, quali aspetti dellesistenza ordinaria nutrono il bisogno dì scrutare le lìngue, di scoprirvi ciò che può aiutare altre lingue ad approfondirsi come poesia?

Ebbene, ecco la mia ipotesi. Coloro che decidono questo hanno, nella loro infanzia, sofferto per una certa ferita. 

Linfanzia, di nuovo? Ma perché no, se essa è così spesso lepoca in cui limprovvisa origine di una presenza ha sconvolto il rapporto con la parola in un essere ancora allinizio della sua ricerca di sé? Le conseguenze di questo grande turbamento si sono di certo immediatamente manifestate. 

Una di queste conseguenze dovette farsi sentire al momento in cui il bambino, che aveva goduto fino ad allora della sua vita in modo integro, già conosceva emozioni, preoccupazioni e aspirazioni mal comprese. Penso al suo rapporto con i genitori, con un padre che gli insegna la legge ed il pensiero concettuale, e una madre che più frequentemente lo preserva nellinfinito e nellassoluto delle cose. Quando è còlto, improvvisamente, da unimpressione di presenza, quando comprende che si sta così votando ad un rapporto del tutto nuovo con le parole rischiando la solitudine, non è forse evidente che il piccolo si chiederà, immediatamente, se i suoi genitori siano o restino capaci di questo stesso incontro? Se potrà condividerlo con loro, nel momento stesso in cui gli insegnano la lingua che sente di dover contestare? 

Egli si volge verso di loro. Ma il padre e la madre sono degli adulti, hanno le preoccupazioni della vita adulta, parlano la lingua delle cose reificate e monetabili, e c’è, in questo, di che inquietare. Bisogna pensa- re che non si potranno più ritrovare, loro o altri, ad un livello profondo? Che dobbiamo amarli solo da lontano, con tristezza? 

E il bambino si chiederà, allora: di questo modo che io ho di vedere lalbero e di sentirne il nome, i miei genitori non sono capaci; a meno che, per qualche ragione, non abbiano il desiderio di riconoscerlo? Si farà attento a quello che in loro potrebbe essere lindizio di un potere sottaciuto. Una certa intenzione oscura, un certo interesse di cui non si conosce la causa, un certo modo, a volte, di guardare lontano, di tacere, di allontanarsi silenziosi, di ascoltare con qualche turbamento unumile canzone, una poesia, e soprattutto il modo con cui il padre e la madre si isolano per parlare tra loro, con parole che non si comprendono: tutti questi, sì, sono segni, giudicati dal loro appassionato osservatore come prove di un sapere che non hanno voluto condividere. Ma perché questo rifiuto, perché aver lasciato la vera vita fuori dal qui e dallora del mondo? 

E la risposta, logica: è perché qui, ora, non potrebbero parlare la lingua che sanno, la lingua della presenza. Se tacciono, è perché la vita li ha cacciati dal paese in cui questo modo di esistere, di vedere era stato loro, e sarebbe rimasto, naturale. E adesso si viene a spiare in loro, con emozione, quel che appare come un rimpianto del paese natale, e a sognare che quella era anche la terra dellessere. - Ho pensato questo, da parte mia, e me ne sono ricordato il giorno in cui, leggendo Keats - che ho finito per tradurre - sono stato colpito dai versi che evocano Ruth, quando «sick for home / She stood in tears amid the alien corn». Que- sta fanciulla in lacrime, ma fiera e diritta in un paese straniero, risvegliò il mio sguardo di bambino su mia madre che aveva anchessa perduto un luogo, una vita antica, e ne aveva il rimpianto. 

Sogno di unesperienza di poesia nel più intimo di un altro essere. Sogno di spingersi in lui fino al punto in cui la sua misteriosa voce sarebbe udibile, attraverso la lingua superficiale che ha fatto da ostacolo. Poi, abbandono di questa speranza. Ma lo stupore ed il dolore restano, nondimeno, vivi. 

E quando, più tardi, ci si trova in presenza di una lingua ancora sconosciuta ma dove, di lontano, si sentono parlare tra loro, oscuri, i poeti, lemozione dun tempo si rianima, il ricordo si ricrea, della terra dorigine: si è còlti dal desiderio di spingersi, attraverso queste parole straniere, fino a dove si sogna di nuovo il segreto perduto... Ahimè, lo sappiamo bene adesso, non esiste una terra dorigine. E nelle parole di qui e di ora che la poesia deve dimorare, e daltra parte non esistono parole che siano di unaltra natura: linglese o anche il latino, litaliano oppure il greco, stanno dalla nostra stessa parte nel rapporto tra la parola e lessere. Eppure, quei poeti laggiù, nella profondità della loro lingua, Keats, Virgilio, Leopardi, non sono i nostri genitori ma siamo noi; infatti, sono fratelli con i quali dobbiamo condividere un compito: lavvento, nel luogo dove siamo, di una terra di resurrezione, il nostro mondo. 

(Traduzione di M. Landi) 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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